INTRIGUE - Fête de la musique

Alors que j’avais prévu de passer plus de temps que cela en Europe à voyager avec ma fille, nous avions convenu ensemble d’écourter notre séjour afin de passer plus de temps dans notre pays natal. Après tout, un tel séjour pouvait être sacrément épuisant lorsque l’on avait que 4ans. À côté de ça, il serait sans aucun doute plus approprié de lui faire faire le tour du monde – à ma façon – une fois qu’elle serait plus âgée et capable d’apprécier bien plus ce que la planète avait à lui offrir en termes de culture, paysage, rencontre et ainsi de suite…

Naturellement, j’étais passé par l’Italie pour rencontrer Luna en chair et en os pour la première fois. Autant dire qu’il s’était agi d’une situation des plus étranges et d’une expérience les plus déroutantes. Se retrouver face à un autre Sensitif, et plus précisément un membre de son propre Cercle… C’était à la fois comme découvrir une personne pour la première fois tout en sachant qu’on la connaissait déjà plus profondément qu’un humain ordinaire ne le pourrait… C’était comme découvrir sa propre personne d’un tout autre point… Une sensation tout aussi fascinante qu’effrayante… C’était comme se retrouver face à un miroir qui reflèterait son soi – comme tout miroir qui se respectait – mais sous une autre apparence. Unique. Telle était la seule chose que je pouvais vraiment dire sur cette rencontre si particulière…

Ainsi, de retour dans mon pays natal avec ma fille et mes beaux-parents, nous avions passé les derniers jours dans la paix et la sérénité à nous remettre de notre séjour avec des activités simples, histoire de récupérer un maximum.

Quelques jours plus tard, je me trouvais à l’aéroport. Pourquoi ? Malva. Madama avait insisté sur le fait que l’évènement de l’année aurait lieu à Sydney le jour de la Fête de la Musique. Or, il était extrêmement difficile de ne pas se laisser emporter par l’Ouragan Malva lorsqu’elle cherchait à vous motiver pour une fiesta !! De plus, je n’étais pas très dur à convaincre dès lors qu’une sortie impliquait de la danse et une bonne ambiance. Quant à Lydia ? Ce n’était pas tous les jours qu’elle pouvait se défouler sans trop se prendre la tête. De plus, ça faisait un moment déjà que nous ne nous étions pas amusés ensemble, rien que tous les trois. D’Adelaide à Sydney, le trajet ne fut pas long. Une fois là-bas, nous nous étions posés à l’hôtel avec nos affaires avant de suivre la pseudo-polonaise au buffet – pour ne pas changer ! Madame avait toujours faim.

Malheureusement pour moi, Malva n’était pas du genre à se contenter d’un simple buffet. Ainsi, la fiesta avait commencé la veille même de la Fête de la Musique pour se terminer à une horaire pas possible ruinant complètement le plan « récupération » que l’on avait tenté d’adopter. Et, comme de par hasard, c’était Malva qui avait eu la force de se réveiller la première – comme si de rien n’était – et d’en faire de même avec ses aînés. Mon réveil fut le plus compliqué au vu de mon amour pour le sommeil bien mérité. D’après mon amie, il était quand même temps pour moi d’ouvrir les yeux si je ne voulais pas le regretter. Ni une ni deux, je m’étais levé en vitesse avant de chercher à savoir à quel genre de plan tordu elle aurait eu recours pour atteindre son objectif !! On n’aurait pas dit comme ça mais… Malva était méchamment vicieuse.

Éveillé, habillé et prêt à partir, nous avions quitté l’hôtel – avec Lydia – pour nous retrouver dans les rues qui se trouvaient d’ores et déjà sous la musique. Où aller ? Telle était la question.

« L’évènement principal n’aura pas lieu avant ce soir normalement je suppose… Je propose qu’on flâne dans les rues jusqu’à trouver une ambiance où nous poser ? »

Énonçai-je en jetant un coup d’œil à Lydia pour voir ce qu’elle en pensait. Elle s’apprêtait à donner une réponse quand le nom de notre amie commune fut appelé à voix haute. Hein ? Qui pouvait bien la connaître dans le coin ? Avait-elle donné rendez-vous à d’autres gens ? Devions-nous nous attendre à d’autres apparitions du genre ? Hmm… C’était étrange quand même. J’étais certain de connaître cette voix et même de l’avoir entendue récemment. Me retournant, je découvris avec stupeur qu’il s’agissait de Joyce !! Hein ?! Quoi ?

« Attends… Vous vous connaissez aussi ? »

Depuis la naissance de mon cluster, mon seuil de tolérance pour le hasard, les coïncidences et l’impossibilité pure et simple s’était considérablement élargi. Néanmoins, quelque chose me dérangeait beaucoup dans cette rencontre censée être hasardeuse… Après tout, si Joyce avait prévu d’aller en Australie – mon pays ! – pourquoi ne m’en avait-elle pas fait mention alors que nous venions tout juste de passer quelques jours ensemble à Majorque ?? Pire encore, comment se faisait-il qu’elle connaissait également Malva et dans quelles circonstances un tel lien entre les deux s’était-il développé ? Et le pompon sur le pompon de la pomponnette de la Mère Michèle, quelles étaient les probabilités pour que Joyce se retrouve pile poil aujourd’hui, en ce lieu, à cette heure et de cette manière face à deux personnes – deux amis même – qui n’avaient aucune idée du lien partagé entre les deux autres ?!!

« Woaw ! Pour un hasard, c’est un sacré hasard ! Comment vas-tu Joyce ? »

Lydia – ma meilleure amie qui me connaissait depuis une vingtaine d’années – était la seule à pouvoir percevoir à mon ton que quelque chose n’allait pas et me tracassait. Après tout, j’étais bel et bien surpris et content de voir Joyce que j’appréciais beaucoup. Néanmoins, mon seuil de tolérance pour le hasard avait été dépassé, et je m’attendais presque à voir des cochons danser la macarena à tout moment maintenant !! Saluant Joyce avec un grand sourire, je laissai à Lydia le soin de s’introduire tandis que je tapotai l’épaule de Malva pour lui demander discrètement :

« Psst ! Tu savais que je la connaissais ? »

Mieux valait régler la question de la théorie du complot une bonne fois pour toute. Parce que bon, si ça se trouvait, Malva avait appris que je connaissais Joyce et s’était dit que ce serait sympa de l’inviter à s’amuser avec nous. Si tel était le cas, ce ne serait plus de l’ordre du hasard et je pourrais retrouver ma foi en un monde sans cochons dansant la macarena…